Bonjour à toustes,
J’apprécie tout particulièrement l’écriture de Julia Richard, que j’avais découvert à une table ronde à Ouest Hurlant en 2022, où j’acquerrai Carne. Qui ne me laissait pas indemne. Et puis vint le tour de Paternoster qui… m’a carrément mis en PLS au point que je n’ai pas réussi à écrire d’avis, et qui me déclenche encore quelques tremblements de voix lorsque j’en parle, notamment avec l’autrice aux Imaginales cette année1 !
J’ai donc profité de cette dernière occasion pour lui faire dédicacer son dernier roman, Se Méfier de l’Eau qui Dort, présenté en avant-première… et qui a fini en sold-out dès le troisième jour du festival… Grâce à cette promesse de, je cite, « Pas de happy end, promis ! » 😉

📖 Résumé officiel
« Du temps, de la vie, de l’amour et de l’impardonnable.
Grand-papy prétend que d’étranges phénomènes se sont produits il y a cinquante ans et qu’une fois encore, le pire est à venir. Mais Grand-papy, il perd la tête ces derniers temps. J’ai déjà suffisamment à faire, et j’ai passé l’âge de croire à la magie.
Schmutzheim est un petit village paisible au fin fond d’une vallée reculée. Astrid, dix-sept ans, y prend soin de son aïeul à la santé déclinante et de sa petite sœur Ingrid. Parvenant difficilement à joindre les deux bouts, les filles complètent leur activité fermière avec le commerce de remèdes artisanaux, ce qui leur vaut la réputation de sorcières et la méfiance de leurs voisins. Et alors que d’obscurs miracles se multiplient autour d’elles, combien de temps encore avant qu’elles ne soient désignées coupables ?
Autrice des très remarqués Carne et Paternoster, Julia Richard revient avec un texte sombre et inquiétant. Donnant la part belle aux obstacles banals du quotidien, aux préoccupations adolescentes et à la richesse de la langue française, Se méfier de l’eau qui dort allie récit intimiste et conte funeste inéluctable. »
😍 Mon avis
🐑 Se Méfier de l’Eau qui Dort2, c’est l’histoire d’Astrid et d’Ingrid, deux sœurs adolescentes de 17 et 13 ans élevées par leur grand-père déclinant. Vivant de l’élevage de chèvres et de vente de fromage au marché du village, en ce milieu du XIXe siècle, mais également de la confection et la vente en cachette de diverses potions, grâce à un manuel d’apothicaire dérobé dans la bibliothèque du curé du village3… Car non seulement elles ne sont pas mariées, mais les gueuses savent lire ! Sacrilège.
😶🌫️ Survient bien vite l’étrange : les paroles incohérentes du Grand-Papy s’avérant parfois être des prédictions, quand elles ne sont pas l’expression de la phobie de la rivière coulant dans la vallée. Et puis, un miracle se produit : L’ancien charpentier unijambiste retrouvant sa jambe manquante…
📣 « Du temps, de la vie, de l’amour, et de l’impardonnable », nous promet-on, dès le quatrième de couverture jusqu’au marque-page.
🕰️ L’autrice le prend, le temps : Celui de nous présenter la vie de nos protagonistes, nous laissant ainsi l’occasion de susciter l’attachement et une mélancolie certaine, tant la vie d’Ingrid et Astrid est rude. Mais point de longueurs ici : Julia Richard semble bien détenir encore une fois la recette du page turner4…
🧬 Le récit ne manque pas de vie non plus : c’est d’ailleurs l’une des forces de cette histoire, de se construire dans la normalité d’une vie courante fort animée pour Ingrid et Astrid : S’occuper de la maisonnée, des bêtes, des courses et des ventes sur le marché, de la santé déclinante d’un grand-père qui sombre peu à peu dans les vicissitudes de la vieillesse5. Ce sentiment d’univers bien vivant vient également de tous ces personnages secondaires, dont on se plait à imaginer leur contexte de vie, même s’il n’est pas forcément détaillé explicitement.
💔Et puis de l’amour : Si je le ressens en premier lieu pour l’amour de la langue — l’autrice se plait à utiliser du patois lorrain fort bienvenu tant il apporte de la vie à l’univers6 — il émerge évidemment dans la vie d’Astrid et Ingrid. Mais pas avec les poncifs habituels du genre, que l’autrice se plaît à démonter sur les réseaux. Point de jouvencelle éplorée séduite par quelconque beau gosse un peu rebelle, mais terriblement sexy, dans un trope enemy to lover7. Non, l’amour, ici, vient servir ce terrible conte funeste8.
😱 Car l’impardonnable rôde, telle une menace de plus en plus présente, au fil des pages: J’ai aimé ressentir cette crainte, cette certitude que tout allait finir par mal tourner. Au point même de redouter la lecture des dernières pages, tout tremblant que j’étais encore traumatisé par la lecture de Paternoster. Et si je n’ai pas eu la même envie de hurler9, si je n’ai pas non plus fondu en larmes, c’est l’œil un peu humide que j’ai refermé ce roman10.
😍 Une belle réussite, donc, qui confirme encore une fois le talent d’une autrice que je ne manquerai pas de continuer à suivre. Une œuvre fort recommandable, et qu’on ne saurait mettre de côté par son classement en « young adult ». De quoi remettre à plat quelques préjugés !
Lu dans le cadre du défi pour la catégorie #H4G2: Un livre jeunesse/young adult. même si c’est vraiment pas ce qui m’a frappé pendant ma lecture 🙂
🗒️ Notes de bas de page
- ça commence à être pénible cette histoire, d’ailleurs. Ça va, c’est bon, j’suis un bonhomme ou quoi ? ↩︎
- En commençant, déjà par pas la boire, hein. L’eau stagnante, c’est un non négatif. ↩︎
- Alors vu les différents scandales concernant des prêtres, j’ai AUCUNE envie d’aller en fouiller une éventuelle bibliothèque ↩︎
- Page, qui n’est la cousine ni de Tina, ni d’Afida. ↩︎
- Comme nous, bientôt, à 45 ans, quand on nous aura supprimé arrêts maladie et autres jours feriés. #cramonslecapitalisme ↩︎
- Ui ! ↩︎
- Notez bien que je dis ça, je fuis tout ça comme la peste donc je n’en ai jamais lu ! ↩︎
- Et non « De Funès », qui malgré sa particule, n’était pas comte. ↩︎
- En vrai, je n’ai pas juste eu ENVIE de hurler. Par contre, j’ai juste eu envie de balancer le bouquin, ce qui aurait été bien dommage. Ça va, rassurez-vous, le bouquin va bien. En ce qui concerne votre fidèle serviteur, j’en suis moins sûr ! ↩︎
- J’aime pas ne pas avoir de dixième note de bas de page. Comme je n’aime pas ne pas éviter d’utiliser les doubles négations. ↩︎
Encore un bel avis haut en couleur, merci ! Ce fut ma lecture préférée de l’été à ce jour ! Contrairement à toi, je découvrais l’autrice et qu’est-ce que j’ai aimé (sans envie de jeter mon livre, moi xD). Cette manière de nous mener par le bout du nez, c’est exactement le genre d’effet que je recherche. Paternoster a donc atterri dans ma PAL pour la rentrée ^-^