Mes ami.e.s, mes camarades,
L’heure est grave.
Alors qu’approche la toute fin, que les dernières heures sont là, devant nous, comme le dernier souffle d’un monde, que dans un clin d’œil tout sera terminé, ne subsistant plus que… Ah ?, c’est juste la fin de 2023 ?
Ahhh bah ça va alors !
Cela dit, il m’est impossible de terminer l’année sans boucler mes derniers avis en attente, ceux que j’ai en tête, donc, mais aussi — et surtout ! — Les 4 œuvres manquantes pour boucler mon défi 2023 des Mordus de Fantastique, Science-fiction et Fantasy. Alors allons-y promptement !
Houston, Houston, me recevez-vous ? de James Tiptree Jr.
Lu pour la catégorie #m7c2 – Un livre écrit dans les années 70
📖 À bord du Sunbird, ils sont trois : le major Norman Davis et le docteur Orren Lorimer, sous la houlette du capitaine Bernhard Geirr. Des hommes, des vrais, l’élite de la Nasa lancée dans une mission à ce jour inédite : effectuer le tour complet de notre étoile. Mais après une tempête solaire d’une rare intensité, l’équipage a la désagréable surprise de constater que personne ne réagit à ses appels de détresse… Houston ne répond plus. Jusqu’au moment où le Sunbird capte enfin un message. Un autre astronef, le Gloria, orbite dans les parages et semble à même de secourir les trois astronautes. Or, ce que Lorimer, Davis et Geirr ignorent, c’est que les vrais ennuis sont sur le point de commencer. Des ennuis dont ils sont bien loin de mesurer la portée, tant leur monde s’apprête à basculer vers… autre chose.
📖 Numéro 44 de la collection UHL, écrit dans les années 70 par James Tiptree Jr., et publié courant de l’année 2023, ce bouquin m’a frappé par son caractère inattendu 1! L’autrice – de son véritable nom Alicia Sheldon – débute son roman par une séquence qu’on ne comprend pas tout de suite : Rêve ? Souvenir ? Divagation sous l’effet de la drogue ? En tout cas, les protagonistes apparaissent déjà comme perclus d’idées ayant rapport au sexe. Ambiance !
🆘 On comprend alors bien vite (d’autant plus qu’on a lu le quatrième de couverture2) que nous sommes dans la tête d’astronautes bien beauf de la Nasa3, à bord d’un vaisseau spatial en voyage autour du soleil. Ils perdent le contact et se retrouvent isolés, seuls dans l’espace, jusqu’à être secourus par un vaisseau qui leur est inconnu, étrange.
🚀 Et pour cause : celleux à la tête du vaisseau salvateur semblent provenir d’un futur éloigné, où les clichés et les codes patriarcaux de leur société originelle ont fait feu : la terre est désormais habitée exclusivement par des femmes, ce qui semble bien embêter nos trois astronautes dont la mysogynie n’égale que leur obsession du sexe.
🧨 Et de suivre ces trois personnages devenus anachroniques dans ce qu’est cette utopie féministe des années 70 poussée à l’extrême.
💣 James Tiptree Jr. utilise alors ses personnages dans l’univers qu’elle construit pour dénoncer les travers du monde qu’elle habite alors (Espérons qu’il ait changé depuis, hein4). C’est radical, trash et poussé à l’extrême, au point qu’on se force parfois à avancer malgré des scènes assez intolérables, en se raccrochant au fait qu’on est ici sur un récit engagé.
🤔 Vous l’aurez compris, je ne me suis pas tout à fait retrouvé dans ce texte, que j’ai trouvé assez compliqué à remettre dans son contexte : j’avoue avoir trouvé un certain manque de… subtilité ? Loin de moi l’idée de juger intrinsèquement le travail ici présenté, juste… je ne m’attendais pas à ça, je n’étais pas vraiment prêt.
🤩 Et puis, finalement, n’est-ce pas la force de cette collection que de nous emmener parfois sur des ailleurs qu’on n’imaginait pas en découvrant ces merveilleuses couvertures d’Aurélien Police ?
Aux douze vents du monde, Ursula Le Guin
Lu pour la catégorie #m3c4 – Mots en lien avec le climat/météo dans le titre
📖 Un double retour dans les îles enchanteresses de l’archipel de Terremer, où connaître le nom véritable de chaque chose octroie un pouvoir crucial… Des voyages temporels dans une chambre de bonne du IVe arrondissement de Paris… Un premier contact avec une intelligence extraterrestre fondamentalement autre… Dans une contrée rongée par l’obscurantisme, un astronome trouve la vérité dans les ténèbres d’une mine… Dix clones identiques vivent en symbiose: quand neuf d’entre eux meurent brutalement, que se passe-t-il pour le survivant… Une ville radieuse dont le bonheur éclatant dépend du malheur d’un seul.
Science-fiction, fantasy, fantastique: les dix-sept nouvelles ici réunies, dont un prix Hugo et un Nebula , toutes introduites par l’auteure, sont autant de facettes de l’exceptionnel diamant que constitue l’œuvre d’Ursula K. Le Guin, écrivaine essentielle de la littérature nord-américaine, souvent pressentie pour le prix Nobel, saluée par le National Book Award en 2014 pour l’ensemble de sa carrière, et décédée le 22 janvier 2018 à l’âge de 88 ans.
📖 Ah, Ursula Le Guin. J’ai un rapport particulier avec cette autrice, grâce à La Main Gauche De La Nuit – Ursula Le Guin, première lecture en commun sur le groupe des mordus de SFFF, et… quelle première lecture 💖 5 Depuis, je continue à découvrir l’autrice livre après livre6. Alors quand je suis tombé sur ce recueil de nouvelles en bouquinerie, je me suis jeté dessus !
😍 Et bien m’en a pris ! Car au-delà des nouvelles diverses et variées de ce recueil, c’est aussi l’occasion de lire quelques mots de la daronne des autrices américaines de l’époque, que ce soit à propos de sa vision du récit à suivre, de son contexte, ou même de la voir aborder rapidement quelques thèmes toujours d’actualité (Comment décrire des personnages non genrés) ? Travailler sur les pronoms ou… tout féminiser7 ?)
📚 C’est en tout cas l’occasion de se promener entre les divers univers imaginés par l’autrice que ce soit pour Terremer ou pour le cycle de Hain. On y retrouvera notamment le fameux prologue du « Monde de Rocannon », où la fantasy rencontre la hard SF pour notre plus grand plaisir, ou encore des nouvelles ou l’autrice détaille les mécanismes de la magie à l’œuvre dans Terremer, des récits aux teintes de conte philosophiques… Il y en a pour tous les goûts !
🤩 Alors certes, on pourra arguer que certains textes sont complexes, parfois pas toujours très accessibles, que ce soit dans le style ou dans certains côtés hard SF (concernant la biologie notamment). Mais, il en est de cette grande Dame : elle mérite que l’on s’y investisse pleinement, que l’on prenne son temps et que l’on ne ménage pas ses efforts. Peut-être une raison pour laquelle j’ai trouvé ce livre comme neuf en bouquinerie ? 🙂 8
Cimqa, d’Auriane Velten
Lu pour la catégorie #m5c5 – Avec une histoire d’amour
📖 Imaginez que le monde ait un jour le hoquet ; des créatures et des objets commencent à apparaître. Imaginez trouver un moyen de faire venir ces choses selon votre désir… jusqu’à susciter l’intérêt d’une équipe de scientifiques.
Imaginez travailler pour la plus grande industrie du divertissement, mélangeant cinéma et imagination. Imaginez recevoir l’opportunité de votre vie, mais continuer à être rongé par l’anxiété. Jusqu’à rêver qu’une petite fille vous offre son aide.
C’est dans ce(s) monde(s) chamboulé(s) par l’apparition de la cinquième dimension, celle de l’imagination, que les destins de Sara et Sarah s’écrivent. Mais comment empêcher que la magie ne devienne qu’une nouvelle source de pouvoir et de profit ?
Récompensée par le prix Utopiales pour son premier livre After®, Auriane Velten signe avec Cimqa un roman générationnel profondément humain qui interroge nos rapports à l’imagination et à l’art.
📖 Je continue ma série des autrices qui m’auront marqué, avec Auriane Velten. Découverte à l’occasion de pérégrinations impromptues à la librairie des Utopiales 2022, via son roman After(r). Un roman, qui, mine de rien, aura participé à me convaincre de l’intérêt des écritures non genrées dans la science-fiction, et, in fine, pour le reste du monde. Mais, passons. car il est ici question de son dernier roman paru chez Mnémos, Cimqa9.
🕰️ Cette fois çi, Auriane Velten ne nous emmène pas très loin dans le futur: c’est quasiment une époque contemporaine, mais avec un élément d’anormalité: Dans Cimqa, l’imagination de tout un chacun.e peut prendre vie, et « matérialiser » les objets et créatures que l’on désire: Du dragon facétieux au décor le plus fantasmagorique, l’imagination devient réelle.
🥰 C’est d’abord un récit intimiste: Le changement est vu ici à hauteur d’une enfant, puis, dans une seconde ligne temporelle, une vingtaine d’année plus tard, par une artiste de l’imagination, embauchée par une industrie du divertissement qu’on pourrait presque qualifier d’holywoodienne. Intimiste pour l’enfant, car c’est avec sa hauteur de vue, avec sa sensibilité et son regard – d’abord naïf, et puis… plus tellement 😉 -, intimiste pour la seconde personnage adulte, car il est question ici de sa perception intime de ce monde, des valeurs et des idéaux qu’elle y projette. Et il est aussi question d’amour, qu’il soit naissant, ou installé, comme un support inconditionnel donné par l’autre, au jour le jour.
🎞️ On pourra y trouver un parallèle, peut être simpliste de ma part, avec ce qu’est devenu le cinéma de nos jours. A l’heure où la créativité semble être mise au second plan par une industrie ayant le devoir de rentabilité, nous abreuvant sans fin d’une marvelade10 insipide et indigeste. Qu’est ce l’art lorsqu’il est contraint aux dynamiques économiques de notre monde ?
💱 J’y ai trouvé également un traitement assez crédible du changement tel qu’il est vécu par les personnages de la première ligne temporelle: La peur, le rejet, avant de laisser la voie aux premier.e.s innovateurices élargissant le champ des possibles, avant une adoption généralisée, parfois au détriment des valeurs initiales.
😢 Un regret, peut être: celui de n’avoir finalement qu’assez peu entrevu les boulversements que l’on pourrait attendre d’un tel monde. C’est probablement un parti pris: Aborder ce récit à hauteur de regard humain, c’est peut être choisir de se concentrer sur leurs ressentis de ce qu’ils trouvent désormais normal, plus que sur la grande Histoire qui s’est mis en place autour d’elleux.
😍 Quoi qu’il en soit, Cimqa reste un excellent roman, toujours en phase avec les valeurs défendues par Auriane Velten11, qui fait du bien, et auquel on aurait fort envie de revenir. (voir d’y faire du tourisme, wink wink12)
Apprendre, si par Bonheur, de Becky Chambers
Lu pour la catégorie #m6c4 – Un Verbe à l’infinitif dans le titre
📖 « Nous n’avons rien trouvé que vous pourrez vendre. Nous n’avons rien trouvé d’utile. Nous n’avons trouvé aucune planète qu’on puisse coloniser facilement ou sans dilemme moral, si c’est un but important. Nous n’avons rien satisfait que la curiosité, rien gagné que du savoir. »
Un groupe de quatre astronautes partis explorer des planètes susceptibles d’abriter la vie : hommes et femmes, trans, asexuels, fragiles, déterminés, ouverts et humains, ils représentent la Terre dans sa complexité.
📖 Continuons mon petit tour des autrices marquantes découvertes et/ou lues en 2023. Avec la fieffée Becky Chambers, autrice déja abordée par ailleurs dans ce blog, je vous laisse fouiller.
🧑🚀 Dans « Apprendre, si par Bonheur », Becky Chambers aborde la littérature positive sous l’angle de la hard sf. Ne fuyez pas ! Car l’autrice réussit à rendre des personnages attachants et réalistes par leur diversité, mais aussi et surtout par la crédibilité de leurs réactions face aux choix qu’iels sont amené.e.s à faire, ou aux environnements inhospitaliers auxquels iels sont confronté.e.s.
🤓 Car la hard sf, c’est la science, mais pas que la physique ou la biologie. Ce sont aussi les sciences sociales, la psychologie, notamment. Et l’exploration du monde que fait cet équipage varié, n’est peut être bien que le prétexte à l’exploration des mondes intérieurs de chacun.e.s des membres de cet équipage. Quid de la lassitude, de l’excitation de la découverte, de la peine ou de la naissance des maux les plus divers ?
🦠 Adeptes de la physique et de la biologie, ne fuyez pas pour autant: Car « Apprendre, si par bonheur » ne vous oublie pas non plus: Je ne saurais entrer plus dans les détails sans spoiler, mais c’est bien le sense of wonder qui me reste à l’esprit, même après de nombreux mois.13 Toujours avec le souci de la crédibilité, Becky Chambers traite parfaitement du sujet dont il est question: Si l’évènement décrit se produisait dans le monde réel, nul doute que les réactions ici dépeintes seraient celles que nous aurions toustes.
😍 Une pépite inconditionnelle, un coup de coeur, donc, qui pourrait bien vous réconcilier avec un sous genre trop souvent jugé froid et sans âme. En plus, vous ne risquez rien, c’est un roman court ! Encore une fois, Merci Becky Chambers 🙂
🗒️ Notes de bas de page14
- Et ce, pas forcément par l’apparition du mot « bite » dès la septième ligne. On saluera la performance, cela dit. ↩︎
- En vrai vous devriez pas. Ce qui est con parce que je vous met les résumés directement sous l’pif. La cohérence. ↩︎
- Ne généralisons pas, voulez vous. ↩︎
- Ou restons dans l’idée (l’illusion ?) que c’est le cas et que tout va mieux. ↩︎
- En plus de ça, ça m’a permis de « rencontrer » Seb, virtuellement à l’époque ^^ Si tu passes par là, salut l’ami ! ↩︎
- J’ai presque fini le cycle de Hain, vivement le cycle de Dheux. ↩︎
- Et faire chier les con.ne.s, par la même occasion. J’aime bien faire chier les con.ne.s ↩︎
- … Et déclencher, je crois une once de jalousie pour l’un des bouquinistes qui procédait à l’encaissement, au passage :D… ↩︎
- Non. NON ET NON. Pas « 1000 », bordel. ↩︎
- un superconcept à moi. c’est à dire, un concept, mais avec une cape et un slip par dessus l’pantalon (et/ou un soutif en papier alu, selon l’envie) ↩︎
- Et Marcel.le, sa licorne en peluche, non binaire et gender fluide. ↩︎
- Toute référence à un défi 2024 est purement fortuite. ↩︎
- C’était en Juillet. Oui, je sais, j’ai un peu de retard dans mes retours, qu’est ce que vous voulez 😀 ↩︎
- Si je ne vous en met pas vous aller m’engueuler. J’commence à vous connaître ! ↩︎