Les ami.e.s, bien le bonsoir.
Ah l’Histoire, avec un grand H1. Se retourner vers notre passé, vers ce qui a fait de nous — et du monde dans lequel nous vivons ! — Ce que nous sommes, et ce vers quoi nous nous dirigeons. Que ce soit à travers les grandes victoires, les grands progrès et inventions, ou à travers les heures les plus sombres, les plus dramatiques…
Eh bien, laissez-moi donc, aujourd’hui, revenir sur la Seconde Guerre Mondiale d’un point de vue nippon2, grâce au livre « Rosée de Feu » de Xavier Mauméjean.
Ah ? on ne parle plus que d’imaginaire ici ? Oh là si, rassurez-vous : Car dans cette uchronie fort bien documentée, vient se nicher une particularité fort parlante pour les fan.s de SFFF que nous sommes : Car ici, point d’avions, les kamikazes y pilotent des Dragons. 3
📖 Le bouquin
📖 Nous voilà donc embarqués dans les années 40, dans cette société japonaise percluse de nationalisme et d’impérialisme, sous l’égide du bien fameux Hiro Hito. 4
📖 Nous commençons par y suivre Hideo, un jeune écolier embarqué dans cette bien triste histoire : Car bientôt Hidéo d’idéaux n’aura plus : il fera partie d’une bien triste génération désenchantée5. Regard intéressant s’il en est, car il est le petit frère de Tatsuo, étudiant en mathématiques de son état, qui se voit appelé sous les drapeaux. Il intègrera bien vite les tristement célèbres pilotes de dragon kamikazes.
📖 En sus de ce triste destin familial qui s’annonce, nous suivons également Obayashi, Capitaine de l’armée nippone. Personnage ayant réellement existé, il est un des instigateurs de cette stratégie désespérée qui conduira bien des jeunes à une mort des plus explosives.6
📖 Nous suivrons ainsi leur destin pendant près de 300 pages, vivant leurs vies, leurs certitudes, leurs doutes, leurs espoirs et leurs déceptions, dans ce drame dont nous connaissons l’issue… ou pas ?
🤩 Mon avis
🤩 Lu dans le cadre d’une lecture commune proposée par iaiamuss, avec Joana et Cathy sur le groupe Facebook des mordus de science-fiction, fantastique et fantasy, ce roman aura provoqué chez moi quelques sentiments contradictoires. Je ne peux pas dire que je n’ai pas aimé, ce serait assez faux : ce n’est cependant pas un grand coup de cœur.
🤓 Loin de moi l’idée de juger le livre dans l’absolu, il s’agit très certainement d’un rendez-vous légèrement raté : Mes attentes étant tombées légèrement à côté de l’exercice auquel Xavier Mauméjean s’est attaqué. Mais laissez-moi donc développer 🙂
🗒️ Ce qui nous aura toustes frappé.e.s, et ce, dès le début de notre lecture, c’est ce style laconique, fait de phrases courtes et sans fioritures. Bien des fois, nous avons eu l’impression de lire plus un rapport militaire qu’un roman. Point de sentiments, tout y est décrit de manière factuelle.
🗒️ Et ce dénuement de style se retrouve également dans l’histoire ici contée. Pas vraiment de fil conducteur, autre que les faits qui s’enchainent, vécus par nos trois principaux protagonistes. Et même si à terme, nous avons bien le sentiment d’avoir vécu l’Histoire, bien en peine je suis à vous faire état de l’histoire.
🎭 Alors quoi, Xavier Mauméjean se serait-il raté ? Mais bien, absolument pas ! C’est même un bel exercice parfaitement maitrisé, car je vous le mets dans le mille : tout cela est précisément calculé : L’auteur nous décrit son intention dans la postface qui aurait gagné, selon moi, à être un avant-propos. Car ce qui nous est présenté ici est un récit sous contrainte7 : Et c’est à la manière d’un théâtre de marionnettes très codifié que l’Histoire nous est contée : le bunraku8. Et, je cite « L’art du bunraku […] ne laisse pas place à l’improvisation et aux sentiments particuliers. J’ai voulu pareillement assécher le récit, réduire au maximum les impressions des protagonistes, là où il aurait été facile de recourir au pathos pour obtenir un effet ».
🌬️ Autre contrainte que j’avoue, je n’ai pas forcément bien intégré : Les courts et nombreux chapitres sont nommés selon les quatre éléments : Métal, Bois, Feu, Terre. L’auteur nous explique le lien avec l’invasion japonaise subie par les Chinois, le lien avec le chiffre Quatre, dont l’idéogramme peut signifier la mort. L’Eau interviendra à dessein, mais je vous laisserai le découvrir 😉
🧐 Revenons à l’aspect Historique : Je ne suis point doté de quelconque diplôme et encore moins d’une agrégation9, mais tout cela semble être documenté de bien belle manière. Et c’est avec brio que l’auteur nous plonge dans la culture impériale japonaise de l’époque. On se plonge aisément dans le monde tel qu’il est présenté pour nos protagonistes : C’est là encore une des forces du roman.
🐲 Reste une question, et pas la moindre. Pourquoi ? Pourquoi les dragons ? pourquoi cet élément imaginaire ? J’ai bien une théorie : pour nous amener à y jeter un œil, nous qui ne sommes pas férus d’histoire, mais bien de mondes imaginaires 😀 Je ne sais pas, pour le coup, si telle était l’intention de l’auteur, mais cela a bien fonctionné sur ma dite personne.
🐲 Point de glorification de ce qui est devenue une icône de la pop-culture : Les dragons sont ici habituels, voire banals. On se demandera parfois s’ils n’ont pas une composante biomécanique : on retrouvera sans peine une analogie avec les Mechas utilisés pour combattre les Kaijus: Car les pilotes sont liés à leurs montures incendiaires via une connexion neurale, leur permettant de ressentir au mieux les affres du combat, permettant ainsi de mieux rendre encore l’indicible sacrifice.
🤩 Alors, un bilan ? Adepte des romans à hauteur humaine faisant la part belle à leurs ressentis et leurs émotions, je ne pouvais qu’être dubitatif sur le parti pris de l’auteur. Mais la cohérence de l’Univers, sa fidélité sur le plan Historique, et l’éclairage sur une époque — et surtout sa culture — qui m’était jusque-là assez méconnue, font que je regarde désormais cette œuvre avec un regard fort bienveillant, presque enthousiaste : Quel travail abattu ici !
📚 Alors si l’exercice vous tente, n’hésitez pas, et foncez en librairie à l’aide de votre dragon de compagnie !10
📖 Résumé Officiel
« 1944. Face à l’avancée des forces américaines dans le Pacifique, le haut-commandement de la Marine impériale japonaise applique une tactique de la dernière chance : engager ses pilotes de dragons dans des attaques suicide. Très vite, un autre feu du ciel s’abat sur le Soleil Levant. Les superforteresses B-29 lâchent sur les grandes villes des bombes au napalm. Seuls de rares pilotes se révèlent assez courageux ou fous pour les affronter sur leurs dragons de combat… Trois destinées sont balayées par le souffle de la guerre. Hideo, petit garçon qui vit de l’intérieur la souffrance du Japon. Tatsuo, son grand frère, étudiant recruté dans une escadrille suicide. Enfin le capitaine Obayashi, maître archer qui impose la « stratégie de la mort assurée ». Fresque sentimentale et violente, roman qui mêle faits historiques et mythologie, Rosée de feu relate les derniers mois d’une nation qui, parce qu’elle attache le plus grand prix à la vie, acceptera le sacrifice ultime dans la plus grande des dignités. »
🗒️ Notes de bas de page
- À ne pas confondre avec Thor, qui lui a une grande hache. (Oui, je sais, c’est habituellement un marteau, mais vous n’avez qu’à les écrire, vous, les notes de bas de page, si vous n’êtes pas content.e.s) ↩︎
- Ni mauvais. ↩︎
- Ne vous plaignez pas, ça aurait pu tout aussi bien être des pigeons. ↩︎
- Ne vous attendez pas à beaucoup de détails historiques, je risque de me faire taper par mon prof d’histoire préféré Jean-Yves de Mondes de poche si je me craque. ↩︎
- Mouhahaha. Vous n’avez pas la référence ? moi si, et j’ai particulièrement honte. ↩︎
- Oui parce que le dragon crache du feu. Le pigeon, lui, je… non, je n’ai pas envie d’imaginer. ↩︎
- Tels les travaux de l’Oulipo. Oui, on peut être lecteurice de sfff et avoir une culture, en déplaise aux… euh, bah aux con.ne.s ↩︎
- En cas de recherche Google, ne vous trompez pas, par pitié. ↩︎
- Allez Jean-Yves ! On croit toustes en toi ! ↩︎
- Ne vous plantez pas de bouton, la flamme, là, ce n’est pas la clim. ↩︎