Les ami.e.s, bien le bonjour !
Je ne sais pas si vous ressentez la même chose, mais j’ai plus de facilité à écrire un avis lorsque j’ai adoré un bouquin, ou lorsqu’à l’inverse, je l’ai détesté. J’éprouve plus de difficultés à parler d’une œuvre qui me laisse perplexe, dont j’apprécie les contours mais moins les détails: d’autant plus, que parfois, ça ne prend pas, mais on ne sait pas pourquoi.
Et bien là, je sais pourquoi. Let me introduce “Les Enfants de Mars”, par Gregory Benford.
Attention, ça va piquer.
📖 Le bouquin
📖 Les fusées, ça fait boum. la conquête spatiale, ça fait boum. Et parfois ça fait boum avec des gens dedans.
📖 C’est con.
📖 C’est le point d’entrée du dit roman, écrit à la toute fin des années 90, par notre ami Benford sus-cité (1). Imaginez: nous sommes en 2015, et la Nasa lance son programme d’exploration martienne. Or, ce programme échoue en tuant tout le monde. Ce qui emmerde bien les politiques, parce qu’en plus c’est de l’argent public, merde. Alors que font les dits politiques ? Ils proposent une prime de 30 milliards de dollars au secteur privé pour faire mieux, mais moins cher (2). Condition: Aller sur Mars et en repartir ! (3)
📖 Surgit alors un milliardaire du nom d’Axelrod, genre d’Elon Musk avant l’heure (4), qui décide que non eh faut pas déconner il est où l’esprit d’entreprise américain la OH ! on va pas s’attacher à des détails non plus, iou-not-ouate-ail-mine-mozart-faux-coeur. (un truc du genre) (5).
📖 S’ensuit alors une course effrénée entre les sbires du dit milliardaire, et une alliance sino-européano-russe, qui va chercher à lui damer le pion pour gagner l’pognon.
📖 Et au milieu de tout ça, un équipage d’astronautes/scientifiques qui partent oeuvrer au nom de l’ivresse de la découverte, et de la science. Quelle bande de naïfs.
Mon avis
Gregory Benford, auteur américain de son état, adorerait aller sur Mars. Il le dit d’entrée de jeu, avant même que l’on commence à aborder le premier chapitre: à une idée et à ceux qui la défendent: Mars, de notre vivant.
Notez qu’à titre personnel, je trouverai ça aussi hyper cool de voir ça de mon vivant. Enfin je trouverait ça encore plus cool qu’on disparaisse pas comme des connard.e.s à cause d’une sombre histoire de changement climatique, bref, ce n’est pas la question ici.
Benford imagine un récit sur deux chronologies, qui finiront par se rejoindre: dans l’une d’entre elles, nous sommes sur Mars avec notre équipage, depuis plus d’une année. Sur l’autre, nous sommes aux prémisses du projet, de la constitution des équipes, aux luttes de financement et autres entrainements et problèmes techniques.
Il nous livre une fiction documentée, sourcée, réaliste, qu’il nous saupoudre d’un peu de sense of wonder: ce qui nous offre une bonne partie de roman sympathique, moins étiré en longueur que la trilogie Mars de Stanley Robinson (6)
Mais alors tout va bien, vu sous cet angle ? Et bien non, car ce qui devrait être un récit qui donne envie de conquête et de nouveaux espaces, finit par être un pamphlet bien involontaire sur le fait qu’on ferait bien mieux de rester le cul collé par terre à bosser un peu sur notre Humanité, le respect de l’autre et de la différence, les luttes sociales et j’en passe.
Pourquoi me direz-vous ? Attendez, laissez moi un instant, je respire, et je réfrène mon envie de violence.
Allez on commence: Tout ça est affreusement sexiste. Nouss avons bien une femme dans l’équipage, mais pour quel rôle (7)… Parce que ca n’est pas que la tête brulée scientifique qui pousse les autres vers les découvertes, non: c’est la femme qui (je cite) “ne se sent pas assez bien habillée pour répondre à un homme”, qui “fait attention à bien se vétir pour ne pas exciter les autres coéquipiers”, qu’on ne laisse pas “tout de seule parce que quand même il faut que son mari soit là pour la surveiller”… Bonjour le paternalisme. “il faut recontextualiser”, me direz vous. Ça a été écrit en 1999, et c’est censé se passer en 2015/2018. Avouez que la recontextualisation, dans ce cas là… On a bien quelques tentatives pour remettre le personnage féminin en valeur, mais c’est d’une maladresse affligeante…
Continuons. En plus d’être totalement misogynes, nos personnages sont hautement patriotiques. Alors pas tous, et pas tout le temps, certes. Mais les commentaires prêtés à un membre d’équipage russe qui critique les dérives capitalistes mais qui je cite “n’a pas mieux à proposer”, entre la perception de l’équipage sino-russo-européen qu’on taxe de voleurs (de carburant) et de manipulateurs d’opinion, doublés d’incompétents qui ne font que copier et s’inspirer du grand leadership américain… n’en jetez plus.
Je suis dur, certes. Car nos protagonistes font aussi preuve d’une grande qualité humaine hautement répandue: Iels sont complètement con.ne.s. Allez, florilège: iels partent sur mars sans réelle solution de retour garantie (alors que c’est la condition pour gagner la course, hein), iels se laissent seul.e.s dans des caves martiennes au milieu de ce qu’il ne comprennent pas au beau milieu de la nuit martienne (… qu’ils s’évertuent pourtant d’éviter comme la peste au début du roman…), iels font les zouaves avec leurs découvertes et s’étonnent que ça leur pète à la gueule, ils ( 8 ) se foutent sur la gueule parce qu’ils ont picolé la veille… “Les Enfants de Mars” que ca s’appelle. Ouais, bah j’imaginais pas une halte garderie pour autant.
Rajoutez à ça quelques défauts dans la gestion du suspens, avec de maigres tentatives d’en rajouter là où il n’y en a pas (Quand tu finis ton chapitre par “… jamais il ne put lui décrire sa journée…” tu t’attends à un drame, une catastrophe. Pas qu’il ne peut pas parce qu’il oublie…), vous finirez par me voir gueuler un peu partout que j’ai envie de cramer des chatons et de zigouiller mon prochain. Ou l’inverse.
Bref, quoi qu’il en soit, et si vous aimez les récits de conquête spatiale, je vous conseille un livre, qui n’est pas celui-là, hein: “Vers les étoiles”, de Mary Robinette Kowal. Tout n’y est pas rose, là aussi il est question de luttes sociales, de respect de l’autre, et j’en passe: Mais au moins on a pas l’impression de lire le programme de Donald Trump.
Fiou. Et dire qu’à la base, je comptais faire un avis mitigé sur ce bouquin
(Note: je n’ai rien contre Gregory Benford, et ne ferai pas le raccourci entre son écrit (que j’ai entre les mains) et ses intentions et ses valeurs (que je ne connaîtrai jamais). Ne me faites pas dire ce que je ne dis pas )
Notes et un peu moins de blagues que d’habitude désolé
(1) Bon, vu ce que vous allez lire, on part pas sur une super base pour être amis lui et moi
(2) Ou pire, et moins cher. Ce qui est plus cohérent, souvent.
(3) Mars ? et ça repart !
(4) Ah, Elon Musk, grand visionnaire (hum) parti de rien (sauf la fortune de son riche papa propriétaire minier en Afrique du sud)
(5) Je parle Américain troisième langue. Ma seconde étant la langue de vipère.
(6) Ca ne parle pas du tout de la même chose, certes, c’est plus une fresque politico-environnementale. Et c’est très chiant.
(7) Sachant qu’il n’y a pas vraiment de vaisselle ni de mioches, et que la cuisine est automatique ?
( 8 ) Oui, ils. Même ça, elle n’a pas le droit…
Résumé
2015 : la mission habitée qui partait pour Mars est un échec tragique : la fusée explose en vol. Le gouvernement abandonne aussitôt le projet. Axelrod, un milliardaire, décide alors de créer un consortium, soutenu par les principales multinationales. Enjeu : gagner la prime de trente milliards de dollars offerte pour atteindre Mars.