Bonjour toustes,
Alors que je terminai tranquillement mon week-end à Ouest Hurlant 2024, je décidai de laisser mes camarades à leur table ronde afin de m’orienter plutôt vers la tente des dédicaces. Mon objectif : rencontrer Saul Pandelakis, dernier auteur qui manquait à ma collection du jour.
Bon, le fait est qu’il était précisément intervenant à la table ronde que j’avais choisie de rater.
Nah… bon, des fois, j’avoue, je suis vraiment pas malin.
Je pus malgré tout rattraper cette bévue et aller faire dédicacer une édition poche de La Séquence Aardtman, juste avant de bondir et prendre le train.

Résumé officiel
Alors que la Terre devient progressivement inhabitable, les êtres humains restants doivent cohabiter avec des bots post-singularité. Pour faire face à l’effondrement climatique, des navettes spatiales sont envoyées à travers la galaxie, à la recherche de planètes susceptibles d’être terraformées.
Le vaisseau ari-me poursuit cette mission. À son bord, Roz, homme transgenre, est l’un des informaticiens en charge de l’intelligence artificielle navigatrice. Mais quand un problème inattendu sur l’IA survient, il a besoin d’aide pour y faire face. Il la trouve auprès d’Asha, une chercheuse bot transgenre, qui milite sur Terre pour la cause des siens.
Entre Terre et espace, la correspondance entre Roz et Asha va rapidement prendre une importance cruciale. Jusqu’où celle-ci va-t-elle les mener ?
🤩 Mon avis
🧱 La séquence Aartdman, c’est avant tout une jolie petite pavasse, notamment dans cette version poche1 ! Ce n’est pas pour rien : c’est un roman riche, à l’univers foisonnant, aux thématiques nombreuses et aux points de vue multiples fort intéressants2.
🧺 Ceci dit, il ne faut pas y chercher une intrigue explosive, aux rebondissements à foison : A l’instar des trois derniers tomes du cycle des Voyageurs de Becky Chambers, c’est ici via le quotidien de nos personnages que nous découvrons l’univers construit par l’auteur. On pourra d’ailleurs regretter la rédaction du quatrième de couverture, qui peut provoquer de fausses attentes : la péripétie qui y est citée n’étant finalement pas si « catastrophique », et intervenant tard dans le récit3. Un problème inhérent au « marketing » des œuvres de ce type ?
👪 Revenons sur l’univers : Il est incroyable. Saul Pandelakis le construit à partir de notre présent, en considérant d’abord la naissance des IA fortes4 incorporées dans des androïdes parfaitement anthropomorphes, puis en y ajoutant les dérives probables de nos sociétés « uberisées » dans un contexte de réchauffement climatique non maitrisé. Ces choix font de cette œuvre un roman foncièrement politique, d’autant plus que les androïdes en question font un terrain passionnant pour l’exploration des fluidités de genre5.
🫢C’est d’ailleurs un des passages qui m’aura le plus marqué : celui où l’androïde fraichement incorporé6 qui deviendra Ash7 comprend, par un simple « Monsieur » lui étant adressé.e, se rend compte d’un « problème ». Une mise en situation si simple, mais si puissante pour faire s’imaginer le sentiment ressenti. Brillant.
🍞 Il y aurait tant à dire sur ce livre et ses thématiques de genre, de recherche d’identité, de combats sociétaux pour prendre enfin le plein envol des « bots », cherchant alors à s’émanciper de l’humanité déclinante. Je pourrais également en ajouter des tartines sur les quelques flashbacks visant à revenir sur la naissance de cette société mi-humaine mi-bots, dont l’émergence est on-ne-peut plus réaliste. Je pourrais aussi vous parler de cette société capitaliste en roue libre, qui, non contente d’une hyperflexibilisation du marché du travail, profite de l’instabilité climatique pour faire de chacun.e l’objet d’un système à la dérive8. Mais il y a fort à parier que vous n’allez plus en pouvoir de mes avis à rallonge9 !
😍 Pour conclure, c’est un roman dense et enrichissant, une « fiction panier »10 dans laquelle il faut prendre le temps de se plonger, et même si parfois j’ai eu du mal à ressentir autant d’attachement aux personnages qu’à ceux de Becky Chambers dans son cycle des Voyageurs, on se réjouit de les voir continuer leur route, avec la petite nostalgie de devoir les laisser partir. Et l’on espère que cet univers pourra prendre vie ailleurs, que ce soit dans les romans de l’auteur, ou dans celleux qu’il aura pu inspirer…
Et je valide avec ce roman la catégorie #H6G5 — un livre avec une lutte sociale, par l’engagement de Ash sur les considérations de reconnaissance des bots et de leurs droits.
🗒️ Notes de bas de page
- Et encore, je suis un mec, j’ai donc des poches plus grandes. Et je trouve ca toujours aussi scandaleux que ce ne soit pas le cas pour tout le monde. Ouais, moi aussi, je fais dans l’engagement. ↩︎
- Voilà, ça, c’est la version « mon avis en trois lignes ». Mais vous n’allez pas vous priver de ma propension à m’étaler, si ? ↩︎
- Genre page 400 sur 600, quoi. Au point de m’exclamer « AH BAH C4EST PAS DOMMAGE§ » ↩︎
- Qui, rappelons-le, restent encore du domaine de la SF. les IA génératives étant aussi con qu’un président américain. Quoiqu’un peu moins dangereuses et nauséabondes. ↩︎
- ATTENTION ! vous auriez dit « théorie du genre » ? C’est probablement que vous êtes de droite. ↩︎
- Dans le sens « mis dans un corps », hein. Pas incorporé à la pâte d’un foutu gâteau au chocolat. ↩︎
- Oui, c’est une réf, putain, et oui, ça fait plaisir ! ↩︎
- Oui, imaginer le capitalisme à la dérive, c’est facile, vous le vivez déjà tous les matins quand vous allez rejoindre votre bullshit job. ↩︎
- N’hésitez pas à m’en faire part, afin que je puisse vous considérer avec tout le dédain qui vous est dû. ↩︎
- Il fallait bien que je le case, afin d’étaler un peu mes connaissances sur la tartine décidément trop sèche de mon inculture. ↩︎