La Maison des Soleils – Alastair Reynolds

Bonjour à toustes,

🧪 J’aime bien la SF. Et j’aime bien la hard-SF, aussi. Alors forcément, je suis avec intérêt les publications du Bélial. Et quand il s’agit de notre ami Alastair Reynolds, là, ce n’est plus simplement de l’intérêt, mais de la hype.

📅 Ayant déjà quelque peu apprécié « Éversion » et « La Millième Nuit », parus tous deux en 2022, je me jetai donc presque promptement sur La Maison des Soleils, quelques semaines après sa sortie¹.

🤓 Alors ? Que dire de ce roman ? Est-ce une réussite, ai-je aimé ? Vais-je honteusement spoiler ici même le fait que oui, beaucoup, vous amenant bien involontairement à éviter le reste de cet article² ? Eh bien, je prends le risque !

Attention ce livre couvre un paquet de catégories, c’est assez scandaleux ! #P3D1 – Un livre qui explore les implications éthiques de la technologie; #P3D2 – Une histoire où la science est utilisée comme une arme; #P3D4 – Un roman où la technologie joue un rôle central dans la résolution d’un problème; #P3D6 – Un-e personnage augmenté-e ou modifié-e (par les technologies ou la magie); #P5D4 – Le prénom et nom de l’auteurice ont le même nombre de lettres; #P6D5 – Un-e personnage qui participe à une fête (religieuse, nationale, anniversaire, …); #P7D2 – Un livre avec une scène de baston / bataille; #P7D3 – Un livre qui vous donne envie d’y faire du tourisme. Allez, pour ma part, je valide #P3D2 !

🧑‍🍳 Pour bien réussir votre Alastair Reynolds, c’est très simple. Prenez d’abord un auteur dont les qualifications ont pu l’amener à être astrophysicien. Faites lui considérer l’Humanité dans son ensemble, en pensant à lui retirer toute propension à s’autodétruire. Laissez-lui quand même sa science et ses technologies. Laissez macérer deux versions : L’une, pendant un bon millénaire, l’autre, durant six millions d’années. Secouez bien fort³ : et PAF⁴ ! vous voilà avec l’univers de « la Millième Nuit » (la Novella) et « la Maison des Soleils », le roman dont il est question ici.

🥳 Nos deux histoires prennent place dans un contexte assez proche : La préparation évoquée au-dessus a fait émerger ce qu’on appelle « la lignée Gentiane », grande famille de 1000 clones immortels, toustes issu.e.s d’une même et unique individu, six millions d’années plus tôt. Ces 1000 clones se réunissent tous les 200 000 ans, pour ce qu’on appelle « la Millième Nuit »⁵, une grande fête étalée sur ces nuits en question, leur permettant de partager leurs meilleurs souvenirs et plus belles découvertes.

📖 Dans « la Millième Nuit », la Novella⁶, ce sera l’occasion pour la lignée — et plus spécifiquement pour deux « frags »⁷ d’entre elleux, Purslane et Campion — de mettre au jour un immense complot à l’échelle galactique.

📖 Dans « la Maison des Soleils⁸« , l’échelle est encore plus phénoménale : À la veille de la Millième Nuit⁹, les mêmes Purslane et Campion vont être témoin d’évènements plus terribles encore, qui iront jusqu’à mettre en cause l’existence même de l’Humanité au sein de notre galaxie, et qui nécessiteront d’évoquer la genèse de toute la lignée Gentiane, à l’aube de l’ère cosmique.

😲 S’il fallait un mot, un seul pour qualifier ces deux histoires : ce serait « Grandiose ». D’abord, à un niveau spatial : Forte de ses millions d’années, l’Humanité s’étend désormais sur des échelles fantastiques, inimaginables pour les petites choses insignifiantes que nous sommes¹⁰. Ici, l’espace n’est plus la nouvelle frontière : c’est tout au plus le pas de la porte. Et même lorsque l’on considère l’environnement proposé par l’aube de l’ère cosmique, on ressent un vertige immense à imaginer l’échelle des installations évoquées, bien que très « primaires » pour nos clones de la lignée Gentiane. Car pour elleux, lorsqu’il s’agit de préparer une fête¹¹, ce n’est pas la préparation d’une salle, mais bien d’une planète entière, fut-elle inhabitable à leur arrivée.

🕰️ Grandiose au niveau des échelles spatiales, « La Maison des Soleils » l’est aussi en termes de temporalité : Que ce soit à cause des distances, de la vitesse de déplacement quasi luminique, ou grâce aux technologies d’hibernation et au combat gagné contre la mortalité, Purslane, Campion et leurs froeurs¹² peuvent traverser les millénaires d’un clin d’œil, le temps d’une « sieste » de quelques secondes. Au point parfois que pour elleux, des civilisations planétaires ayant choisi de vivre leur rythme naturel pourront apparaitre et disparaitre le temps ressenti d’un clin d’œil. Au point même que certaines instances deviennent nécessaires : La Vigilance¹³, sorte de base de données historique géante, ou l’Actuariat Cosmique, entité pouvant être invoquée pour connaitre les probabilités de disparition de civilisations planétaires entre le moment présent et l’arrivée au bout du voyage.

💣 Un univers si grandiose mérite un enjeu phénoménal : Alastair Reynolds parvient à en imaginer un. Et s’il faudra avancer longtemps dans l’histoire sans en comprendre les ficelles, sa révélation, enfin, dans le dernier quart du roman, pourrait bien vous laisser sur le cucul: Car toute cette immensité ne tient qu’à un malheureux fil¹⁴, capable à lui seul d’entrainer la chute de tout ce monde merveilleux.

🧠 D’imagination, Alastair Reynolds ne manque pas non plus, lorsqu’il s’agit d’imaginer l’évolution possible de la vie Humaine. Et l’on sera surpris encore une fois par l’ampleur des modifications qu’il conçoit : Est-ce encore être « Humain » que de n’être qu’une conscience répartie au sein de multiples machines dérivant dans l’espace ? Est-ce être fondamentalement différent que de n’être issu que de la froideur du calcul mathématique engendrant les intelligences artificielles pleinement conscientes d’être¹⁵ ?

💌 La froideur du calcul… Lorsque d’aucun.e.s y seront contraint.e.s, en raison à la fois de leur immortalité froide les ayant privés de sentiments, mais également par force de nécessité au vu des enjeux qu’iels devront affronter, Purslane et Campion, à elleux deux, contrebalanceront cet état de fait, amenant au récit la chaleur souvent manquante à ce genre qu’est la hard-SF. Ces deux personnages, couple mal vu parmi leurs congénères, toustes clonés (car issu du même individu, rappelons-le) apporteront la chaleur nécessaire à notre attachement. Et nous tremblerons alors devant les évènements qui les séparent.

👧 Cette dualité froideur/chaleur est par ailleurs explorée à travers l’œil d’Abigail Gentian, la petite fille avec qui l’on commencera le récit. Elle est la source de toute la lignée. Son histoire tragique contée ici en prélude à chacune des parties permettra d’explorer le pour quoi de la création de la Lignée. Petite fille désespérément seule, promise au plus grand des avenirs, mais bloquée dans une immense boite dont elle ne sort jamais. Elle est fille d’une riche héritière de l’industrie du clonage, ayant perdu la raison suite à d’innommables actes perpétrés lors d’une guerre ancienne… propre d’une humanité intrinsèquement belliqueuse¹⁶ ?

🦞 Non content de faire ici une hard-SF épique, mais très humaine¹⁷, Alastair Reynolds s’aventure dans quelque univers de Fantasy, apportant là encore un lot bienvenu d’originalité.

😴 Et même si cela prend du temps, même s’il nous perd un peu parfois dans des images difficilement compréhensibles, et que l’on manquera parfois d’action au détriment de scènes de discussions un poil longues, on ne peut que refermer ce bouquin avec l’envie de découvrir encore cet univers à la richesse infinie.

😍 « La Maison des Soleils » constitue, pour moi, un des grands romans de hard SF que j’ai pu lire cette année. Je ne saurai donc que vous recommander de l’essayer. En plus, vous avez de la chance : l’histoire courte qu’est « La Millième Nuit » pourra faire un excellent point d’entrée, qui vous permettra déjà de vous en faire une idée.

📖 Résumé

Ils sont la Lignée Gentiane, la Maison des Fleurs.
Ils sont mille. Mille clones âgés de six millions d’années, tous issus d’Abigail Gentian et d’une époque où l’humanité n’était encore qu’à l’orée de l’ère stellaire. Depuis tout ce temps, ces fragments éparpillés parcourent la galaxie, spectateurs de l’aventure humaine à travers l’espace, là où empires et conquêtes fabuleuses se fracassent sur la noria du temps. Tous les deux cent mille ans, après un tour complet de la galaxie, les membres de la Lignée se réunissent pour échanger souvenirs et expériences. C’est la Millième Nuit, une fête sans pareille.
Or, pour cette trente-deuxième réunion, Campion et Purslane sont en retard. Un détail ? Pas vraiment. Car dudit retard pourrait bien dépendre le devenir de l’ensemble de la Voie lactée, et peut-être même bien au-delà.

🌐 Ailleurs dans la blogosphère

Chez Outrelivres, qui a aimé le voyage, moins la destination : https://www.outrelivres.fr/la-maison-des-soleils/

Chez Les Lectures du Maki, qui a aimé les deux : https://les-lectures-du-maki.blogspot.com/2024/05/la-maison-des-soleils-alastair-reynolds.html

(n’hésitez pas à vous identifier en commentaire, également, que je vous rajoute)

🗒️ Notes de bas de page.

1. Oui, promptement, ça marche aussi quand c’est deux mois après. ↩︎
2. Vous rateriez alors les autres notes de bas de page. Ça serait affreuminable. ↩︎
3. Après avoir enlevé le chat. Sinon ça fout un bordel pas possible. ↩︎
4. Laissez les Chocapics où ils sont. Vous n’avez plus l’âge. ↩︎
5. La fête, pas le roman. ↩︎
6. Et pas le roman. ↩︎
7. « Frag » pour Fragment. Je ne sais pas si on doit y voir un lien avec l’univers vidéoludique de combat, probablement pas 😉 ↩︎
8. Le roman, pas la fête. Sachant que de toute manière ça n’est pas une fête. Suivez un peu. ↩︎
9. la fête, pas le roman. ↩︎
10. Enfin, que VOUS êtes, surtout. ↩︎
11. La Millième Nuit, la fête, pas le roman. Comment ça, je suis lourd ? ↩︎
12. Terme que j’ai piqué à Marie Surgers, utilisé dans sa traduction de l’Histoire de Moines et de Robots de Becky Chambers. ↩︎
13. Aucun lien. ↩︎
14. Le fameux fil d’Ariane, enfin d’Ariane VI quand on est européen. ↩︎
15. Votre avis en commentaire ! Allez-y, engueulez-vous, j’ai prévu le popcorn. ↩︎
16. … j’aurais dû faire plus de popcorn. ↩︎
17. Un peu comme la Langouste. #tapalaref ? ↩︎