đ Bonjour Ă toustes,
âïž En dĂ©but d’annĂ©e, je rĂ©digeais un avis lecture sur « Dons », premier tome de la « Chronique des Rivages de l’Ouest », D’Ursula K. Le Guin. Le tout recommandĂ© par son Ă©diteur, me vantant les mĂ©rites d’une traduction de Mikael Cabon, respectant bien mieux toute la poĂ©sie de l’Ă©criture de cette grande autrice.
đ€ïž Quelques mois plus tard, je viens enfin de terminer ma lecture, avec « Voix » et « Pouvoirs », respectivement tome 2 et 3. Deux autres tomes contant deux histoires distinctes, mais subtilement liĂ©es. Allons droit au but : c’est un de mes plus gros coups de cĆur de l’annĂ©e.

Résumé Officiel de Voix
« Moi qui ai vu libĂ©rer un souverain trahi et emprisonnĂ©, qui ai vu avec vous lâeau jaillir dâune fontaine assĂ©chĂ©e depuis deux cents ans, qui ai entendu avec vous une voix sâĂ©lever du silence, moi, votre invitĂ©, pendant que nous attendons ensemble que Lero nous montre de quel cĂŽtĂ© devra pencher la balance, sâil nous faudra dĂ©truire ou reconstruire, sombrer dans la guerre ou cheminer en paix, pendant que nous attendons, puis-je vous offrir, en remerciement de votre hospitalitĂ© et de la grĂące des dieux dâAnsul, un rĂ©cit, un conte de guerre et de paix, dâesclavage et de libertĂ© ? »
Au bord de lâocĂ©an, coincĂ©e entre le dĂ©sert et le rivage, se tient Ansul la pacifique. Cette ville fut durant des siĂšcles un phare pour les artistes et les savants, mais depuis la rĂ©cente invasion par les Alds, les livres y sont interdits et les habitants de la ville-philosophe sont rĂ©duits en esclavage. NĂ©mar vit dans lâancienne maison des Oracles. Le temple de Galvamand va devenir bien plus quâun lieu de priĂšre pour elle ; dans la piĂšce secrĂšte oĂč sa mĂšre lâa cachĂ©e, pleine des derniers livres prĂ©servĂ©s de la destruction, elle se sent chez elle. LâarrivĂ©e dâOrrec et Gry, hĂ©ros vingt ans plus tĂŽt des Ă©vĂ©nements de Dons, permettra Ă NĂ©mar de sortir au grand jour, et par lĂ mĂȘme de tracer une nouvelle destinĂ©e pour le peuple dâAnsul.
Tel Fahrenheit 451 dans un univers de fantasy, ce deuxiĂšme volume de « Chronique des rivages de lâOuest » concilie paix et rĂ©volte.
Résumé Officiel de Pouvoirs
« Ceci est mon domaine et jâen suis le maĂźtre ! Par le Destruc-teur, câest la vĂ©ritĂ©. Jâai rencontrĂ© un homme qui dit la vĂ©ritĂ© ! Par le Destructeur ! Un homme qui dit la vĂ©ritĂ© ! Il arrive et, moi, quâest-ce que je fais ? Je lui donne un coup de bĂąton sur le crĂąne ! Tu parles dâun accueil ! Bienvenue Ă Cugamand ! »
Le jeune Gavir, Ă©levĂ© comme esclave dans le confort de la maison dâune grande famille, reçoit parfois des visions de lâavenir. Câest un pouvoir quâil ne peut ni expliquer ni contrĂŽler et que sa chĂšre sĆur aĂźnĂ©e lui conseille de garder secret pour ne pas sâattirer le courroux de ses maĂźtres, dĂ©nuĂ©s de telles facultĂ©s. Quand une terrible tragĂ©die anĂ©antit sa foi en tout ce quâil a jamais connu, il sâenfuit, aveuglĂ© par le chagrin. La dĂ©couverte de la libertĂ© est amĂšre et souvent solitaire. Pourtant, elle est toujours souhaitable. Car sans elle, nul espoir.
Pouvoirs clĂŽt la « Chronique des rivages de lâOuest ». Pleines de rĂ©flexions morales et politiques, dâaventures et dâĂ©motions, les vies dâOrrec, NĂ©mar et Gavir, sous la plume de la plus grande autrice de science-fiction, nous bouleversent.
đ Mon avis
đšïž Avec « Dons« , premier tome de la sĂ©rie, Ursula Le Guin imagine un monde de fantasy aux accents mĂ©diĂ©vaux, oĂč la normalitĂ© d’une vie simple, mais rude, se confronte Ă l’extraordinaire, avec l’apparition de pouvoirs Ă©tranges.
đ Avec « Voix » et « Pouvoirs« , l’autrice Ă©tend son univers au sud, avec deux rĂ©gions aux spĂ©cificitĂ©s sociĂ©tales et politiques bien diffĂ©rentes : La pĂ©ninsule mĂ©ridionale d’Ansul, et sa capitale Ă©ponyme, dĂ©sormais sous la coupe d’envahisseurs interdisant arts et sciences ayant pourtant fait la renommĂ©e de la ville1, et lĂ©gĂšrement plus au nord, la rĂ©gion des CitĂ©s-Ătats. RĂ©gion oĂč les guerres entre citĂ©s sont encore monnaie courante, et oĂč les rapts d’esclaves font rage2.
đ Dans chacun de ses livres, l’autrice choisit le point de vue de trois personnages, toustes trois dans une quĂȘte d’identitĂ©, de libertĂ© : Que ce soit Orrec (tome 1), en lutte contre les attentes inatteignables de sa famille, et de la pression dont il finit par ĂȘtre le principal artisan. Ou NĂ©mar3, qui doit transformer sa colĂšre, et sa haine, dont on comprendra la source (voir, qu’on trouvera lĂ©gitime), en une saine acceptation, non pas pour s’incliner et oublier ses racines, mais pour les porter et les faire vivre encore, malgrĂ© tout4. Ou, dans notre dernier tome, de Gavir5, esclave ne connaissant rien d’autre que sa situation, confortable Ă ses yeux, mais qui devra fuir l’intolĂ©rable, dĂ©passer son dĂ©ni, et devenir enfin lui-mĂȘme. Trois quĂȘtes extrĂȘmement intimes, bouleversantes, qui sonnent toujours juste.
đââïž Chacun.e de nos personnages dispose de pouvoirs Ă©tranges, dont on ne sait jamais vraiment s’ils sont rĂ©els ou fantasmĂ©s. Point de super-hĂ©ro.ĂŻne.s, car ce que met l’autrice en avant, ce sont surtout les pouvoirs du quotidien, dont nous disposons toustes: Celui de dire non, de s’opposer6, mais aussi de se remettre en question, de voir le monde diffĂ©remment. La fuite, la lutte, mais aussi l’acceptation, dans le deuil ou dans l’adversitĂ©. Un choix particuliĂšrement fort, ancrant les personnages dans le rĂ©el, et augmentant notre empathie tant les situations qu’iels ont Ă faire face semblent souvent inextricables7.
đȘ¶ Et puis, toujours, le pouvoir des mots, qu’ils soient dits ou Ă©crits. Le pouvoir des livres, la plume plus forte que l’Ă©pĂ©e8. Des histoires grandes comme petites, indissociable de la poĂ©sie du moment, comme de la philosophie la plus profonde: Ursula Le Guin glorifie subtilement l’art qui nous rĂ©unit tous.tes ici mĂȘme, contre les vents et marĂ©es de l’ignorance, de la peur et de l’obscurantisme9.
đ L’autrice n’hĂ©site pas Ă jouer sur nos Ă©motions. Il est parfois difficile de ne pas verser une larme10 sur le sort parfois terrible de nos personnages, surtout dans ce troisiĂšme et dernier tome. LĂ encore, l’autrice nous montre le pouvoir des livres, celui de nous faire vivre, ressentir, via notre empathie : En un mot, nous rendre plus humain.e.s11.
đ Chronique des Rivages de l’Ouest, c’est un Ćuvre de fantasy intelligente, particuliĂšrement Ă©mouvante, oĂč poĂ©sie, espoir, joie, tristesse et mĂ©lancolie se mĂȘlent pour donner vie Ă un univers tellement crĂ©dible qu’on prend plaisir Ă s’y projeter, Ă tel point que l’on pourrait tout Ă fait y trouver Ă©normĂ©ment d’inspirations philosophiques. Une Ćuvre qui prend son temps, mais oĂč jamais, je n’ai trouvĂ© la moindre once d’ennui. En ressortir Ă©mu, bouleversĂ©, mais plein d’un espoir : celui d’un monde ou chacun.e sait, simplement, trouver sa place.
đ Si seulement12…
Lectures dans le cadre du dĂ©fi lecture des mordu.e.s 2025. Je valide les catĂ©gories #HBG4 – Un livre qui parle de livres, avec le tome 2 « Voix » et #H4G4 – Un livre ayant reçu un prix littĂ©raire, ici, le prix Nebula du meilleur roman en 2008, pour le tome 3, « Pouvoirs ».
đïž Notes de bas de page (qui, un jour, finiront par ne plus passer la modĂ©ration)
- Ville dĂ©sormais dirigĂ©e par une certaine Christelle M. â©ïž
- Le bon temps des colonies, comme disait un cĂ©lĂšbre c#nn@rd. â©ïž
- A ne pas confondre avec un joueur de foot. Y’en NĂ©mar, de toutes ces conneries, lĂ , OH. â©ïž
- Si tu te sens un peu la NĂ©mar du monde rĂ©el, lĂšve la main. â©ïž
- Que ça commence franchement Ă Gavir. â©ïž
- LA GRĂšVE ! â©ïž
- Par exemple, nommer un premier ministre lĂ©gitime. â©ïž
- Si tu n’as pas la rĂ©f, je te juge ! â©ïž
- Ouais, et autant dire qu’on a du boulot. â©ïž
- Chose faite Ă la rĂ©daction de cet article. Moi, trop Ă©motif ? â©ïž
- Et donc moins de droite ? â©ïž
- 12 secondes de tĂ©lĂ© allumĂ©e devraient me ramener Ă la rĂ©alitĂ©. â©ïž